[aha] TERRORISM OR TRAGICOMEDY? (Agamben)

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Mon Nov 24 22:12:21 CET 2008


in English below
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http://www.liberation.fr/societe/0101267186-terrorisme-ou-tragi-comedie

Terrorisme ou tragi-comédie


Giorgio Agamben philosophe italien.


A l'aube du 11 novembre, 150 policiers, dont la plupart appartenaient
aux brigades antiterroristes, ont encerclé un village de 350 habitants
sur le plateau de Millevaches avant de pénétrer dans une ferme pour
arrêter 9 jeunes gens (qui avaient repris l'épicerie et essayé de
ranimer la vie culturelle du village). Quatre jours plus tard, les 9
personnes interpellées ont été déférées devant un juge antiterroriste et
«accusées d'association de malfaiteurs à visée terroriste». Les journaux
rapportent que le ministre de l'Intérieur et le chef de l'Etat «ont
félicité la police et la gendarmerie pour leur diligence». Tout est en
ordre en apparence. Mais essayons d'examiner de plus près les faits et
de cerner les raisons et les résultats de cette «diligence».

Les raisons d'abord : les jeunes gens qui ont été interpellés «étaient
suivis par la police en raison de leur appartenance à l'ultra-gauche et
à la mouvance anarcho autonome». Comme le précise l'entourage de la
ministre de l'Intérieur, «ils tiennent des discours très radicaux et ont
des liens avec des groupes étrangers». Mais il y a plus : certains des
interpellés «participaient de façon régulière à des manifestations
politiques», et, par exemple, «aux cortèges contre le fichier Edvige et
contre le renforcement des mesures sur l'immigration». Une appartenance
politique (c'est le seul sens possible de monstruosités linguistiques
comme «mouvance anarcho autonome»), l'exercice actif des libertés
politiques, la tenue de discours radicaux suffisent donc pour mettre en
marche la Sous direction antiterroriste de la police (Sdat) et la
Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Or, qui possède un
minimum de conscience politique ne peut que partager l'inquiétude de ces
jeunes gens face aux dégradations de la démocratie qu'entraînent le
fichier Edvige, les dispositifs biométriques et le durcissement de
règles sur l'immigration.

Quant aux résultats, on s'attendrait à ce que les enquêteurs aient
retrouvé dans la ferme de Millevaches des armes, des explosifs, et des
cocktails Molotov. Tant s'en faut. Les policiers de la Sdat sont tombés
sur «des documents précisant les heures de passage des trains, commune
par commune, avec horaire de départ et d'arrivée dans les gares». En bon
français : un horaire de la SNCF. Mais ils ont aussi séquestré du
«matériel d'escalade». En bon français : une échelle, comme celles qu'on
trouve dans n'importe quelle maison de campagne.

Il est donc temps d'en venir aux personnes des interpellés et, surtout,
au chef présumé de cette bande terroriste, «un leader de 33 ans issu
d'un milieu aisé et parisien, vivant grâce aux subsides de ses parents».
Il s'agit de Julien Coupat, un jeune philosophe qui a animé naguère,
avec quelques-uns de ses amis, Tiqqun, une revue responsable d'analyses
politiques sans doute discutables, mais qui compte aujourd'hui encore
parmi les plus intelligentes de cette période. J'ai connu Julien Coupat
à cette époque et je lui garde, d'un point de vue intellectuel, une
estime durable.

Passons donc à l'examen du seul fait concret de toute cette histoire.
L'activité des interpellés serait à mettre en liaison avec les actes de
malveillance contre la SNCF qui ont causé le 8 novembre le retard de
certains TGV sur la ligne Paris-Lille. Ces dispositifs, si l'on en croit
les déclarations de la police et des agents de la SNCF eux-mêmes, ne
peuvent en aucun cas provoquer des dommages aux personnes : ils peuvent
tout au plus, en entravant l'alimentation des pantographes des trains,
causer le retard de ces derniers. En Italie, les trains sont très
souvent en retard, mais personne n'a encore songé à accuser de
terrorisme la société nationale des chemins de fer. Il s'agit de délits
mineurs même si personne n'entend les cautionner. Le 13 novembre, un
communiqué de la police affirmait avec prudence qu'il y a peut-être «des
auteurs des dégradations parmi les gardés a vue, mais qu'il n'est pas
possible d'imputer une action à tel ou tel d'entre eux».

La seule conclusion possible de cette ténébreuse affaire est que ceux
qui s'engagent activement aujourd'hui contre la façon (discutable au
demeurant) dont on gère les problèmes sociaux et économiques sont
considérés ipso facto comme des terroristes en puissance, quand bien
même aucun acte ne justifierait cette accusation. Il faut avoir le
courage de dire avec clarté qu'aujourd'hui, dans de nombreux pays
européens (en particulier en France et en Italie), on a introduit des
lois et des mesures de police qu'on aurait autrefois jugées barbares et
antidémocratiques et qui n'ont rien à envier à celles qui étaient en
vigueur en Italie pendant le fascisme. L'une de ces mesures est celle
qui autorise la détention en garde à vue pour une durée de
quatre-vingt-seize heures d'un groupe de jeunes imprudents peut-être,
mais auxquels «il n'est pas possible d'imputer une action». Une autre
tout aussi grave est l'adoption de lois qui introduisent des délits
d'association dont la formulation est laissée intentionnellement dans le
vague et qui permettent de classer comme «à visée» ou «à vocation
terroriste» des actes politiques qu'on n'avait jamais considérés
jusque-là comme destinés à produire la terreur.

Traduit de l'italien par Martin Rueff.

Dernier ouvrage paru : le Règne et la gloire, homo sacer, II, 2, traduit
de l'italien par Joël Gayraud et Martin Rueff, Seuil, 2008.



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http://farkyaralari.blogspot.com/search/label/semiotext(e)
http://farkyaralari.blogspot.com/2008/11/free-tarnac-9-statement-of-support-by.html 


This e-mail is from semiotext(e).




Nine friends in France have been arrested and accused of terrorism,
although no proof has been brought against them. Attached please find a
petition written by the publisher Eric Hazan, which can be signed (name,
occupation, city) and returned to: lafabrique at lafabrique.fr

A statement of support by Giorgio Agamben is pasted in below.

Thanks very much.

TERRORISM OR TRAGICOMEDY?

On the morning of November 11, 150 police officers, most of which
belonged to the anti-terrorist brigades, surrounded a village of 350
inhabitants on the Millevaches plateau, before raiding a farm in order
to arrest nine young people (who ran the local grocery store and tried
to revive the cultural life of the village). Four days later, these nine
people were sent before an anti-terrorist judge and "accused of criminal
conspiracy with terrorist intentions." The newspapers reported that the
Ministry of the Interior and the Secretary of State "had congratulated
local and state police for their diligence." Everything is in order, or
so it would appear. But let's try to examine the facts a little more
closely and grasp the reasons and the results of this "diligence."

First the reasons: the young people under investigation "were tracked by
the police because they belonged to the ultra-left and the anarcho
autonomous milieu." As the entourage of the Ministry of the Interior
specifies, "their discourse is very radical and they have links with
foreign groups." But there is more: certain of the suspects "participate
regularly in political demonstrations," and, for example, "in protests
against the Fichier Edvige (Exploitation Documentaire et Valorisation de
l'Information Générale) and against the intensification of laws
restricting immigration." So political activism (this is the only
possible meaning of linguistic monstrosities such as "anarcho autonomous
milieu") or the active exercise of political freedoms, and employing a
radical discourse are therefore sufficient reasons to call in the
anti-terrorist division of the police (SDAT) and the central
intelligence office of the Interior (DCRI). But anyone possessing a
minimum of political consc
ience could not help sharing the concerns of these young people when
faced with the degradations of democracy entailed by the Fichier Edvige,
biometrical technologies and the hardening of immigration laws.

As for the results, one might expect that investigators found weapons,
explosives and Molotov cocktails on the farm in Millevaches. Far from
it. SDAT officers discovered "documents containing detailed information
on railway transportation, including exact arrival and departure times
of trains." In plain French: an SNCF train schedule. But they also
confiscated "climbing gear." In simple French: a ladder, such as one
might find in any country house.

Now let's turn our attention to the suspects and, above all, to the
presumed head of this terrorist gang, "a 33 year old leader from a
well-off Parisian background, living off an allowance from his parents."
This is Julien Coupat, a young philosopher who (with some friends)
formerly published Tiqqun, a journal whose political analyses -- while no
doubt debatable -- count among the most intelligent of our time. I knew
Julien Coupat during that period and, from an intellectual point of
view, I continue to hold him in high esteem.

Let's move on and examine the only concrete fact in this whole story.
The suspects' activities are supposedly connected with criminal acts
against the SNCF that on November 8 caused delays of certain TGV trains
on the Paris-Lille line. The devices in question, if we are to believe
the declarations of the police and the SNCF agents themselves, can in no
way cause harm to people: they can, in the worst case, hinder
communications between trains causing delays. In Italy, trains are often
late, but so far no one has dreamed of accusing the national railway of
terrorism. It's a case of minor offences, even if we don't condone them.
On November 13, a police report prudently affirmed that there are
perhaps "perpetrators among those in custody, but it is not possible to
attribute a criminal act to any one of them."

The only possible conclusion to this shadowy affair is that those
engaged in activism against the (in any case debatable) way social and
economic problems are managed today are considered ipso facto as
potential terrorists, when not even one act can justify this accusation.
We must have the courage to say with clarity that today, numerous
European countries (in particular France and Italy), have introduced
laws and police measures that we would previously have judged barbaric
and anti-democratic, and that these are no less extreme than those put
into effect in Italy under fascism. One such measure authorizes the
detention for ninety-six hours of a group of young -- perhaps careless --
people, to whom "it is not possible to attribute a criminal act."
Another, equally serious, is the adoption of laws that criminalize
association, the formulations of which are left intentionally vague and
that allow the classification of political acts as having terrorist
"intentions" or "inclinat
ions," acts that until now were never in themselves considered terrorist.

--- Giorgio Agamben
Libération, November 19, 2008


ATTACHMENTS THAT CAME WITH THE MAIL
http://www.mediafire.com/?ntrywnm2jji

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